Échos du Vatican : « Ce que le pape veut dire »

Arrivé à Rome au sein de l’agence I.MEDIA en décembre 2019, Camille Dalmas est aujourd’hui responsable des projets éditoriaux de l’agence francophone. Il est aussi un des membres fondateurs de la revue Limite. Chronique romaine, dans laquelle il nous livre son témoignage.

Depuis mon arrivée à Rome en décembre 2019, j’ai le plus grand mal à expliquer à ma grand-mère que je ne suis pas devenu, du jour au lendemain, un proche du pape. Et que je ne peux donc pas lui dire que son groupe de prière ne l’oublie jamais chaque mercredi. Peut-être par peur de lui faire de la peine, mais probablement aussi parce qu’elle fait exprès de ne pas mettre ses appareils auditifs, je laisse donc circuler cette fausse information sur le parvis de la paroisse Saint-Roch et le marché d’Ajaccio en espérant qu’elle n’arrivera pas aux oreilles de notre nouvel évêque. Une situation peu confortable, en somme. Mais au fond qu’est-ce qu’un vaticaniste, sinon un journaliste qui se doit de parler, écrire, disserter sans fin sur ce que dit et pense le pape sans presque jamais lui adresser la parole ?

Du travail d’interprétation
Certes, chacun peut s’en tenir aux très nombreux discours et textes prononcés par le pontife, ou transmis par le Bureau de presse du Saint-Siège, ou encore aux rares conférences de presse organisées au retour d’un voyage. Reste qu’un travail d’interprétation est très souvent nécessaire, en particulier avec le pape François, pour pouvoir conclure sans ciller, sans avoir la main qui tremble : « c’est ce que le pape veut dire ». Pour cela, le vaticaniste dispose de deux options : d’un côté, se tourner vers la communication officielle pour demander des précisions, de l’autre, s’adresser à des interprètes officieux. La première a pour principal défaut de considérer qu’un silence est une excellente réponse, mais aussi souvent de ne pas être plus au courant – si ce n’est pas moins – que le journaliste en quête d’un éclairage. Les interprètes officieux, bien au contraire, sont très loquaces et semblent presque trop informés – surtout quand ils n’appartiennent pas au premier cercle restreint et peu accessible qui gravite autour du pontife dans la Résidence Sainte-Marthe ou dans le Palais apostolique.

Le vaticaniste révèle peu à peu « son » François
Ce tableau, tracé volontairement à gros traits, n’empêche heureusement pas le vaticaniste de s’emparer peu à peu de son sujet. Son italien prend alors un accent argentin, ses rêves et cauchemars s’emplissent d’encycliques et de constitutions apostoliques, de renonciations… Il ne cesse d’essayer d’anticiper tout ce que va faire, va dire ou décider le pape et se glisse peu à peu dans la peau de celui qu’il ne peut pas totalement atteindre, qu’il écoute mais qu’il n’entend qu’avec incertitude. Après ce long travail, le vaticaniste devenu plus confirmé accepte de révéler peu à peu « son » François. Il compare sa création à celles des autres vaticanistes – confrontation d’étranges chimères papales scrupuleusement composées au fil des longues années du pontificat – avant de se remettre à l’ouvrage pour perfectionner encore un peu plus son travail, tel le docteur Frankenstein. De ce point de vue, ma grand-mère n’a finalement peut-être pas entièrement tort quand elle déclare à ses amies et à son marchand de légumes que je côtoie le pape quotidiennement.

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