Jean-Pierre Denis quitte La Vie pour rejoindre Bayard

L’ancien directeur de l’hebdomadaire « La Vie » a annoncé mercredi 3 juin qu’il avait présenté sa démission de directeur des rédactions de « La Vie », « Prier » et « Histoire & Civilisations », et qu’il prendra, au 1er septembre, de nouvelles fonctions de directeur du développement éditorial au sein du groupe Bayard.

Le 3 juin 2020, Jean-Pierre Denis a annoncé officiellement son départ de La Vie sur Facebook :

« C’est avec beaucoup d’émotion, soyez-en certains, que j’écris ces lignes. Mais voilà, c’est fait ! J’ai présenté ma démission de directeur des rédactions de La Vie, Prier et Histoire & Civilisations. Je signerai mon dernier éditorial dans La Vie du 9 juillet, 75 ans jour pour jour après la première parution de La Vie Catholique Illustrée. Au 1er septembre, je prendrai de nouvelles fonctions de directeur du développement éditorial au sein du groupe Bayard. Je ne dirigerai plus de journal, mais je travaillerai sur des projets nouveaux, dont je n’ai pour l’instant aucune idée !

L’été de ces 75 ans est aussi celui de l’installation de nos rédactions juste à côté de la gare d’Austerlitz, dans un immeuble conçu par un grand architecte, avec vue sur le patrimoine national, tant chrétien que républicain, Notre-Dame et le Panthéon. Ce double événement arrive à un moment historique. L’épidémie nous fait changer d’ère. La société est bouleversée. En septembre, nous serons dans un autre monde. Quand on change d’époque, il est bon de changer de chef. Je le précise aussitôt pour dissiper tout doute éventuel : c’est une décision strictement personnelle.

J’ai eu l’immense privilège d’embaucher 30 des personnes travaillant actuellement dans les trois rédactions, soit les trois-quarts des effectifs. J’ai derrière moi un quart de siècle de collaboration avec ces titres, une décennie comme responsable des pages « Religions », quatorze ans comme directeur de la rédaction de La Vie, la création des Essentiels puis des Atlas, la relance d’Histoire & Civilisations, la refonte de Prier, les États généraux du christianisme, la porte de l’œcuménisme percée à Strasbourg, des reportages, plus de 700 éditos, deux conclaves, trois présidentielles, une longue conversation avec le pape François, un premier ministre en visite à la rédaction… Il était temps que je libère la place, pour que quelqu’un de neuf dise avec des mots nouveaux le monde naissant.

Certes, je l’avoue, reprendre la haute mer, m’y engager à l’aventure sans cette équipe que j’aime et alors que tout me comble – amitiés, métier, lecteurs – cela n’a rien d’évident. Oserais-je le dire ? Cela me fait même un peu peur. Mais la sirène du navire a sonné, il faut y aller… « Va, vends ce que tu possèdes, et suis-moi ». À 52 ans, je crois devoir me forcer à lâcher prise, me remettre en état d’incertitude, accepter de n’être propriétaire de rien. Et la nostalgie qui m’étreint d’étouffe pas un sentiment plus grand : la reconnaissance pour tous ceux qui m’ont accompagné, soutenu et fait confiance, tous ceux qui m’ont appris tant de choses, toutes ces rencontres professionnelles devenues de merveilleuses amitiés. Deo gratias !

En 2006, je proposais à la rédaction de La Vie un projet « mieux identifié, mais pas identitaire ». Plus que jamais, cette vision me semble pertinente, à la fois pour ce journal et pour le christianisme. C’est la force et pas seulement l’originalité de sa ligne chrétienne, refusant la dissolution dans le sécularisme et l’enfermement dans le communautarisme. Je le dirai en Pyrénéen : sur les crêtes, le vent souffle plus fort, mais on voit plus loin, plus large. Et l’on se rapproche de ce divin sommet qui toujours semble reculer. J’ajouterai que nous nous sommes retrempés dans notre vocation apostolique originelle, pensée dès avant-guerre par les dominicains de Temps Présent, et fondamentale pour notre fondateur Georges Hourdin. Aujourd’hui, plus que jamais, il faut aller « aux périphéries » pour y annoncer l’Evangile. Ce n’est pas moi qui le dis ! Et il faut accepter pour cela l’ouverture de cœur, le risque que les autres nous transforment et nous améliorent.

Le journalisme, le vrai, c’est cela. Indépendant sans exception et insolent mais pas sans raison, anglé et approfondi, allant au bout des sujets, essayant de lutter contre la tendance à l’idéologie, qu’elle porte le masque de l’intolérance religieuse, du panurgisme médiatique ou du politiquement correct. J’aime faire des journaux de journalistes, comme on parle de vins de viticulteurs ou d’agriculture paysanne. L’implication personnelle, professionnelle et souvent spirituelle de la rédaction de La Vie est magnifique. C’est d’ailleurs vrai de toute la presse chrétienne. Deo gratias !

Des Publications de la Vie Catholique au groupe Le Monde, cette éthique de conviction et d’honnêteté, je tiens à la souligner, a toujours été défendue, préservée, affirmée. Et malgré des débats parfois vifs sur des sujets de société, y compris au sein de la rédaction, elle a toujours été reconnue par nos actionnaires successifs, comme elle a été respectée dans le monde chrétien. Personne, jamais, n’a tenu notre main quand nous écrivions, comme je n’ai jamais tenu la main d’aucun journaliste. Deo gratias !

Je crois par ailleurs que la presse doit retourner à ses meilleures sources : raconter de fortes et belles histoires de façon approfondie, non pas pour penser à la place des lecteurs, mais pour leur donner à penser par eux-mêmes. Le plus beau compliment que l’on m’aura fait, ce n’est pas de me dire « je suis d’accord avec vos éditos ». Je préfère : « je ne suis pas forcément d’accord avec vous, mais je vous lis car vos propos m’aidaient à avancer ».

Puis-je aussi me montrer un peu fier de mon équipe ? Oui, je crois que je peux, au moins une fois, puisque je m’en vais ! Considérant ses modestes moyens, cette rédaction est dans son ensemble l’une des plus douées de la place. Elle fait mille fois mieux que beaucoup d’autres, parfois mieux dotées ou plus réputées. Je les ai d’abord côtoyés, puis dirigés, puis aimés. Deo gratias !

À tous et toutes, déjà et surtout, trois petits mots :
merci, merci, merci.

Jean-Pierre Denis

PS Georges Hourdin avait inventé en 1945 un média moderne, « illustré ». La mue numérique est d’ampleur comparable à la renaissance de la presse libérée il y a 75 ans. Les nouvelles générations seront en mesure de magnifier l’écrit en développant parallèlement de nouveaux supports, qui toucheront un public que jusque-là nous ne parvenions pas bien à rejoindre. La vie de La Vie continuera, toujours avec et pour son temps. Soyez-en certains, si vous être lecteurs ou lectrices de La Vie, la direction de la rédaction sera placée entre d’excellentes mains, fidèles à sa ligne éditoriale et capables aussi d’innovation. Je sais qui c’est, mais il ne me revient pas de l’annoncer ! Alors je vous en reparlerai dans un tout prochain message. »

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